Napoléon Ier et le Roi Louis : d'après les documents conservés aux archives nationales

LIT NAPOLÉON I« ET LE ROI LOUIS.

démasqués et qu’ils voudront vous mener trop loin, vous vous souviendrez que vous êtes Français, et que vous punirez sévèrement ceux qui méditent d'abandonner la cause de la France. La garantie dont j'ai besoin, je ne puis la trouver dans un enfant de trois ans. Laïsser la régence aux hommes que vous nommeriez, ce serait la donner au prince d'Orange. Je veux nommer le régent. Je suis fâché que vous ne sentiez pas cela, que vous ne sentiez pas qu'il est ingrat sous le point de vue moral et ridicule sous le point de vue politique de laisser la Hollande entre les mains de quatre ou cinq ministres, comtes ou marquis, dévoués à la maison d'Orange ou à l'Angleterre. En vérité, vous montrez bien peu de pénétration. Voici les conséquences de votre conduite : d'abord embrouiller vos affaires. Le public ne tardera pas à s’apercevoir que je n’approuve point ce que vous faites, ce qui fera grand tort à vos finances ; et toutes vos fausses démarches actelles pourront un jour être un sujet de guerre. Voilà le bien que vous avez fait à la Hollande, et voilà le bien que vous m'avez fait. Je vous croyais un autre homme que vous ne vous montrez l'être. Je remercie le Ciel de ce que je puis me passer de vous (1). »

Soit que l'empereur eût cédé à un retour d'amitié fraternelle, soit plutôt qu'après avoir déchargé la première expression de son ressentiment, il ne jugeât point que la conduite de son frère méritât de telles sévérités, cette lettre, une fois écrite, ne fut pas envoyée. Elle n’en demeure pas moins la preuve d’une irritation qui croissait par degrés dans l’esprit de Napoléon, et dont les secrets ferments préparaient la rupture qui devait éclater un jour. À la place de cette lettre,

(1) Napoléon à Louis, 30 avril 1807, p. 115, note 1.