Oeuvres diverses

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spontanéité même de la Révolution, offrit aux rois la tête de Clootz, et ne sut que frayer la route à Bonaparte et au Christianisme. Cest ainsi que la force, maniée avec maladresse, se tourna contre la Révolution et la poignarda, après lavoir souillée pour longtemps.

Il y a loin toutefois des deux mille exécutions parisiennes aux millions d'hommes moissonnés par Bonaparte dans les supplices stratégiques, et des journées de Septembre aux boucheries monarchiques et relioieuses. La Révolution n’a pas la science profonde des aristocraties dans l’art de l’extermination, elle ne possède pas l'instinct carnassier des hommes et des castes de proie. Les nécessités de la lutte contrastent avec le fond des principes, de là ses tâtonnements et son manque de mesure et de suite, tantôt faible jusqu'à laveuglement, tantôt furieuse jusqu’à la frénésie : l'excès en tout.

L’Inquisition, Philippe Il, les Chouans, les hommes de Juin, tous les maitres procèdent, par masses, à froid, sans jugement, sans écho, avec le soin de déshonorer les victimes, de tuer non seulement leur vie, mais leur honneur et jusqu’à la pitié. Les rois ont des oubliettes et des bourreaux muets. Le chef-d'œuvre, comme toujours, fut l’Inquisition avec ses büchers souterrains afin de rôtir à huis-clos les victimes. Ce système n'exclut pas à l’occasion les cérémonies à grand spectacle ; il réunit l'esprit de suite et l’implacable logique. Le progrès des idées empêche seul les chrétiens de brûler aujourd’hui les libres penseurs. Qu'ils reprennent un seul jour la puissance et on verra. Tuer et bâillonner est la plus aisée des politiques; elle a enfanté des miracles.

C’est ainsi que l'Espagne s’est catholicisée. Le Midi abjure la doctrine albigeoise, le Poitou, ce nid d’hérétiques, devient la Vendée ; la Bohème des Hussites, catéchisée par Sigismond, est aujourd'hui un lieu

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