Oeuvres littéraires : ouvrage orné d'un portrait
(SEPTEMBRE 1785) 23
Par une suite naturelle, il exige dans un auteur de la bonne foi, de la bienséance dans le tissu de ses opinions, et surtout qu’il soit conséquent. Il ne pardonne pas à Rousseau ses contradictions ; ainsi l’on peut dire qu’il calcule sa phrase et sa pensée, comme :l calcule tout; qualité remarquable qui a pu naître de ses connaissances dans les mathématiques et de l'habitude de les appliquer. Il m'a dit qu’il les avait étudiées avec soin et de bonne heure; d’abord dans les écrits d'Euclide, et ensuite dans ceux du marquis de l’Hôpital. À vingt ans, il avait découvert le Binôme de Newton, sans savoir qu’il eût été découvert par Newton, et cet homme vain ne l’a imprimé
1. Dès ses plus jeunes années, lors même qu'il était écolier, il se passionna pour la géométrie. Cette passion fut telle, qu’il ne pouvait se séparer des éléments d'Euclide, dont il portait toujours un exemplaire avec lui, et qu'en jouant à la paume avec ses camarades, il lui arrivait souvent d'aller se cacher dans un coin, ou de s’enfoncer dans quelque allée solitaire pour ouvrir son livre, et tâcher de résoudre un problème qui le tourmentait. Un jour, entraîné par son goût extraordinaire pour le mouvement, il monta sur un clocher, en descendit ensuite avec une corde nouée, s'écorcha douloureusement les mains qui glissaient sur cette corde, et ne s’aperçut pas du mal qu'il s'était fait, tant il était occupé d'une proposition de géométrie qu’il n'avait pu comprendre et qui se présenta tout à coup à son esprit, au moment où il descendait.