Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA GIRONDE. 189

flexion modestement ironique : « Un des inconvénients qui mont le plus éloigné des assemblées, et je parle des plus graves, c’est la légèreté de leur jugement

rêt du peuple ; et il traduit sa pensée dans sa belle prose allégorique et orientale : « La nature peut se représenter comme un vaisseau ; le peuple avec ses travaux, ses arts et son commerce, en est la carène, chargée d’agrès, de provisions et de marchandises dont la cargaison fait l’objet du voyage. Cest à sa carène que se proportionnent toutes les parties du vaisseau. La noblesse peut se rapporter aux batteries qui le défendent; le clergé aux voiles et à la mâture qui le font mouvoir; les opinions politiques, morales et religieuses, aux vents qui le poussent, tantôt à droite, tantôt à gauche; l'administration, aux cordages et aux poulies qui en varient la manœuvre; la royauté, au gouvernail qui dirige sa course, et le roi au pilote. C'est donc à l'intérêt du peuple que le roi doit veiller principalement, comme un pilote veille à la carène du vaisseau: car si les hauts sont trop chargés par une mâture trop élevée, ou par une artillerie trop pesante, elle est en danger de renverser. Elle est encore en péril de couler bas, si des vers la rongent sans bruit et y font des voies d’eau. » — « Vous serez forts de sa force, dit-il plus loin aux chefs du peuple, comme vous êtes faibles de sa faiblesse. Voulez-vous done vous-mêmes vivre libres, n’attentez pas à sa liberté; acquérir des lumières, ne l'aveuglez pas de préjugés ; calmer vos propres âmes, ne lui donnez pas d’inquiétudes ; travailler à votre propre grandeur, occupezvous de son élévation ; souvenez-vous que vous êtes le sommet de

l'arbre dont il est la tige. » Comme il avait salué la Révolution à

son aurore, Bernardin de Saint-Pierre se fit remarquer parmi les panégyristes de Napoléon qu'il compara à l'aigle « s'avançant dans l'axe même de la tempête », et qu'il appelait : un héros philosophe organisé pour l'empire. Voir Gerusez. — Éloge de Bernardin de Saint-Pierre, par Prévost-Paradol. — Sainte-Beuve, Causeries du lundi (t. VI) et Portraits littéraires (t. I.) — Aimé Martin. —

11,

| î ! |