Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA GIRONDE. 191

Notre auteur ne manque pas d'exposer sa conception de la popularité, de l’ordre, de la liberté, conception toute subalterne, digne d’un tribun qui guette les caprices de la multitude, non d’un législateur qui s’efforce de la spiritualiser, renfermant malgré tout une parcelle de vérité. Brissot professe que le meilleur moyen d'agir sur les masses est de permettre qu'elles réagissent sur nous, que sans cela elles sont plus que fondées à soupçonner de mauvais desseins. II fait la théorie du gouvernement dans la rue, par la rue: un pas de plus et il conclut au droit divin de la foule. Quant à l’ordre public, il semble le priser médiocrement; sa formule est celle-ci: « Liberté, égalité, placez au-dessus ordre public, ce sera un pléonasme, mais du moins ce ne sera plus une déception. L'ordre, d’après lui, n’est que la mesure de l'égalité, et ce n’est qu'ainsi qu'il devient conservateur de la liberté. » Quelle cacophonie dans les idées! Et comme, du vague même de ces définitions, de ces confusions de termes, on tirerait aisément un code d’anarchie!

Quelque temps après la mort de Mirabeau, on donnait à la Comédie-ltalienne Mirabeau aux Champs-Élysées, élucubration hâtive d’Olympe de Gouges, dont on ne pouvait applaudir que l'intention. Un voisin de Brissot observa : « Cette pièce est un vrai morceau de réception pour le club monarchique. Ce Mirabeau-là est à notre Mirabeau ce qu’un 89 est à un patriote, ou pour mieux dire ce qu'un castrato est à un homme. »