Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORÂTEURS DE LA GIRONDE, 203

qu'il rencontre. » Marguerite-Élie Guadet! ignora presque toujours l’art de gauchir, de serrer les coudes, de marcher dans les sentiers détournés. Son éloquence est vivace, nerveuse, nourrie des souvenirs de la Grèce et de Rome, avec moins de chair et plus de muscles que celle de Vergniaud; son âme tout imprégnée de Jean-Jacques, Pascal, Voltaire, ses auteurs favoris, son caractère absolu, inflexible, répugnant aux concessions qu'il faut faire aux petites passions pour servir les grands intérêts, fanatique de droit idéal, rebelle aux faits, ne comprenant point que le peuple n’a guère d'autre volonté que le reflet des volontés individuelles qui le mènent. Il demanda à l'opinion de le suivre quand il eût dû la chasser devant lui, dit son biographe, M. Lassaud, après avoir expliqué quels ingrédients du sol, quelle cultivation et quelle semence préparèrent, firent germer sa parole ardente, son talent vigoureux, agressif, infécond pour l’action et la diplomatie. Il a l'ironie mordante et railleuse qui manque d'habileté peut-être, mais qui trouble profondément l’adversaire, séduit les rieurs, les indifférents, et qui est le véritable esprit de la tribune. Robespierre, qu'il appelle : un nouveau Mahomet aux talents prés, ne pouvait lui

1. J. Guadet, Les Girondins, 2 vol.; — Histoire de SaintÉmilion. — Lassaud, Éloge historique de Guadet. — Ch. Vatel. Charlotte de Corday. — Aulard, t. I®.

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