Orateurs et tribuns 1789-1794

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pardonner ses sarcasmes sanglants, lorsqu'en réponse à cette phrase célèbre : « Je sais bien que c’est en vain que je dénonce les traîtres, puisque c'est à eux-mêmes que je les dénonce», Guadet * tonnait cette foudroyante réplique : « Citoyens, si en dénonçant au Sénat de Rome celui qui avait conspiré contre la liberté de son pays, si en accusant Catilina, Cicéron eût fondé son accusation sur des preuves de la nature de celles que Robespierre a produites contre moi, Cicéron aurait excité contre lui-même l’indignation de tout le Sénat. Et si, après avoir annoncé qu'il venait remplir un ministère douloureux et pénible, si, après avoir déclaré que l'amour de la patrie et la connaissance d’une grande conjuration avaient seules pu le forcer à rompre le silence, Cicéron eût terminé son accusation par une plate et froide plaisanterie ; si, mêlant aux grands intérêts de la liberté de ridicules jeux de mots, il eût conclu en faveur de l'accusé après l’avoir peint comme un vil scélérat : Cicéron eût été honteusement chassé du Sénat, car, à Rome, on détestait la calomnie et on savait punir les calomniateurs. Mais Cicéron était un homme de bien; il n’accusait pas sans preuves. Cicéron respectait les lois; il ne citait pas les traîtres devant les poignards. Cicéron aimait son pays : il n’eût pas pris les mouvements de l’orgueil et de la haine pour les élans du patriotisme. Cicéron, enfin !.… Je m'arrête :

1. À la tribune, dit Hua, Guadet avait l'air d’un chat en colère.