Orateurs et tribuns 1789-1794

A4 ORATEURS ET TRIBUNS.

nommèrent le Champ des Émigrés, quelle expiation ! C’est ainsi que Pétion, Buzot, Barbaroux devinrent girondins, par l'adoption et par la mort. Mais, tandis que les hommes abandonnaïient les représentants mis hors la loi, une femme relevait le drapeau de la pitié Madame Bouquey, belle-sæur de Guadet, leur donna asile et pendant plus d'un mois fit de l’héroïsme une vertu quotidienne : « Tout ce qui est vrai, beau, courageux est sûr de lui plaire, écrit Buzot; elle s’y attache, elle s'y complaît avec simplicité, sans effort, comme lui étant naturel et composant tout son bonheur. Pour nous, elle a tout bravé, elle brave tout encore. Elle était au milieu de nous, ajoute Louvet, comme une mère environnée de ses enfants pour lesquels elle se sacrifie.. » Elle conservail son sang-froid, bien qu’on la menacçât continuellement de visite domiciliaire, d’arrestation, bien qu’elle entendit crier à chaque instant qu'on brülerait vifs, avec les proscrits, les gens chez lesquels ils seraient trouvés, car ceux-ci répandaient autour d'eux la contagion du supplice. « Mon Dieu, qu’ils viennent, les inquisiteurs, disait-elle; je suis tranquille, pourvu que ce ne soit pas vous qui vous chargiez de les recevoir ! Seulement je craindrais qu'ils ne m’arrêtassent, et que deviendriez-vous? » Le trait semble plus grand que nature et nous ramène à Corneille.