Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA GIRONDE. 219

» ta conduite; coupe tes jambes, parce qu’elles font mar» cher toute la machine; et quand tu auras coupé tout cela, tu seras le plus beau corps du monde. » Voilà tout coupé, grâce au brin de barbe que j'ai eu la faiblesse de croire. Dites-moi à présent, peuple souverain, si je n'aurais pas mieux fait de garder mes bras, mes jambes, ma tête, et d'attaquer ce brin de barbe qui me donnait de si bons conseils! Marat est le brin de barbe de la République; il dit : « Coupez les géné» raux qui chassent les ennemis; coupez la Convention » qui prépare les lois ; coupez le ministère qui les fait » marcher; coupez tout, excepté moi. »

Louvet ne se donne pas la peine de contrôler les élans d’une imagination déchaînée!. Tant mieux si d'aventure l'inspiration éclate bonne et généreuse ! Tant pis si elle est chimérique, absurde, contraire aux lois élémentaires de la prudence?! Qu'il s'agisse de

1. Par exemple, il rapporte dans ses Mémoires les naïves imprécations d’un brave homme de charretier contre les Jacobins : « Des coquins! Des coquins! Un tas de drôles qui n’ont jamais rien fait et qui mangent le bien de celui qui travaille! Mon beau chevyeau, ne l'ont-ils pas requéri, comme ils disent! Ils ont tellement chargé la pauvre bête, qu’il en est devenu malade et mort; je l'avais payé vingt beaux louis. Et ce divorce? C’est aussi pour requérir ma femme qu'ils ont inventé ça! Est-ce qu'on peut m'ôter ma femme, voyons, sacrebleu!... »

2. Un jour, par exemple, il fait jurer aux Jacobins de se passer de sucre jusqu'à ce que les accapareurs aient abaissé le prix à vingt sous la livre; mieux encore, la motion est signée par chaque Jaco-