Orateurs et tribuns 1789-1794

218 ORATEURS ET TRIBUNS.

Madame Roland qui trouvait en lui, et ce qu'il avait sans doute, et ce qu’elle y mettait, vante la noblesse de son front, le feu de ses yeux, son esprit, sa bonhomie, « Courageux comme un lion, simple comme un enfant, homme sensible, bon citoyen, écrivain vigoureux, il peut faire trembler Catilina à la tribune, diner avec les Grâces et souper avec Bachaumont. » C'était en réalité un petit homme, de fort chétive mine, maigre, chauve, myope; mais l'esprit de parti y regarde pas de si près. Orateur inégal, journaliste incisif, pamphlétaire mordant et rancunier, Louvet admirait, servait le ménage Roland, se moquant avec verve de Robespierre, célébrant la politique girondine dans le journal la Sentinelle, envenimant la querelle qui devait se dénouer si tragiquement, prêchant la guerre en excitant le peuple contre la cour et préparant la Répu blique. Il avait inauguré l’éloquence du placard : deux fois par semaine, les grandes affiches roses de /a Sentinelle, payées sur les fonds des affaires étrangères, couvraient les murs de Paris; les passants lisaient avec délices des boutades comme celle-ci :

« Peuple, je vais faire une comparaison bizarre, mais elle est vraie. Je suppose que le ciel eût accordé la parole à toutes les parties de mon corps, que le dernier brin de ma barbe me dit : « Coupe ton bras droit, » parce qu'il à chassé le chien qui voulait te mordre ; » coupe ton bras gauche, parce qu'il a porté du pain à » ta bouche; coupe ta tête, parce qu'elle l’a dirigé dans