Orateurs et tribuns 1789-1794

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table chef de la Terreur, politique réaliste, mettant le succès de son parti avant la loi, la justice et l’humanité!, au coup d'œil rapide et perçant, avec des goûts indolents, des explosions de violence calculée, de brutalité féroce; tempérament né maître, absorbant toutes les volontés partout où il se présente, aux Cordeliers, à la Commune, au Ministère, à la Convention ; le Pluton de l’éloquence, à la voix de stentor, qui, mugissante, énorme, sonne, tantôt comme une fanfare, tantôt comme le tocsin, dédaigneux des préjugés abstraits, des théories des Jean-Jacques, des Sieyès, sachant regarder et voir, compter avec les passions des hommes, convaincu que les questions politiques sont des questions de force, acceptant les crimes efficaces et repoussant les crimes inutiles, incrédule (mon domicile, dit-il devant le tribunal révolutionnaire, sera bientôt dans le néant et mon nom au Panthéon), mais partisan d’une religion provisoire utile au peuple, et refusant d’honorer le prétre de l’incrédulité aussi bien que le prêtre de l'erreur et du fanatisme, plein d'enthousiasme pour la patrie qu’il aime d’un amour de fauve, tout palpitant et saignant en quelque sorte, comme un jeune homme aime sa maîtresse, avec son âme, avec ses sens (emporte-t-on la patrie à la semelle de ses souliers?) ; nourri d’études classiques qu’il a perfectionnées par la pratique des bons auteurs, de Rabelais dont il em-

1. La liberté, c'est nous dessus, et eux dessous (Danton).