Orateurs et tribuns 1789-1794

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auraient-ils trouvé le temps de converser, d'écrire, eux que l'action dévorait, que la sombre vision de la mort hantait, à une époque où chacun se sentait au pied de l’échafaud? L'esprit n'est-il pas un moqueur ? Si la Terreur semble odieuse, grotesque aux royalistes, ses interprètes, ses disciples servent leur idole avec ferveur,

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avec extase, pareils à l’inquisiteur mis en scène par Victor Hugo dans son Torquemada, à ces pontifes mexicains qui égorgeaient des milliers d'êtres humains pour apaiser leur divinité!

Quelques jours après la chute de Danton, Courtois de l’Aube assistant à une séance où parlait Robespierre, aperçut un citoyen qui battait des mains de toutes ses forces aux endroits applaudis par la majorité, et le regardait en riant. Il crut démêler que ces applaudissements n'étaient pas sincères, il lui répondit par un sourire, indiquant ainsi qu’il n’était pas dupe de cette feinte. L’inconnu s'approche de Courtois et lui dit à voix basse : « Dût-il m’en coûter la paire de gants avec laquelle j'applaudis (ei il avait les mains nues) je la sacrificrais volontiers si l’on me garandissait la chute du monstre qui occupe actuellement la tribune. » Courtois lui ayant recommandé de se contenir, il lui serra la main, ses yeux se mouillèrent de larmes et il s'enfuit.

Si les terroristes avaient eu de l'esprit, ils auraient sans aucun doute deviné ce que renfermaient de haine ces applaudissements. Mais alors l'esprit presque tout