Portalis : sa vie, et ses oeuvres
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sans en donner avis au Ministre des Cultes : il avait interrogé le prédicateur sur ses sermons, en avait censuré l'esprit général et s'était même permis de lui indiquer le sujet de ses conférences à venir, lui reprochant « de prêcher le cagotisme et les pratiques » superstitieuses, de n'avoir jamais parlé de la con» scriplion militaire, de la gloire de l'Empereur el » de celle de nos armées!. »
À la nouvelle de cette pitoyable équipée qui peint les mœurs de l’époque, Portalis prit en main la cause de l'abbé Frayssinous. Il avait assisté incognito à quelques-unes des conférences de l’éloquent prédicateur, il avait pu en apprécier l’admirable talent et la tolérante charité. Aussi n’hésita-t-il pas à réclamer, en termes énergiques, contre l'intervention de la police, plus nuisible encore à la dignité des pouvoirs publics qu'aux intérêts du culte catholique. Il s’empressa de signaler au Ministre de la Police l’absurdité d’une telle démarche faite à l'insu du Ministre des Cultes et l'injustice ridicule des reproches adressés à l’abbé Frayssnous. Il prouva que, loin de se faire l’apôtre d’une dévotion étroite, cet ecclésiastique sattachait à présenter les principaux dogmes ‘du christianisme sous leur aspect le plus général et le plus élevé ; que, s’il n’avait pas entretenu ses auditeurs de la gloire des armées françaises et de la conscription, c’est que le devoir des vrais prédicateurs est de ne jamais transformer leur chaire en
4. Lettre à Monseigneur l’Archichancelier sur la mesure dont M. l'abbé Frayssinous avait été l'objet de la part du Préfet de Police. 17 mars 4807. (Portalis, loco citato, page 587.)