Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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point imiter les citoyens de ces petites républiques du Moyen-Age qui ne voyaient que des ennemis au delà de leurs murailles. La civilisation moderne est née, en grande partie, du rapprochement des groupes isolés et de leur réunion en communes, en provinces, en royaumes, union qui s'étend de plus en plus et qui, peut-être un jour, amènera la fédération de tous les peuples d’un même continent, sinon l’unité morale du genre humain, comme les découvertes de la science en achèvent, sous nos yeux, l’unité matérielle. Cette force de l’union, dont la puissance étonnera les générations à venir, repose sur l’idée la plus juste et la plus élevée : celle de la solidarité des hommes et des peuples. Lorsque deux pays ont, pendant des siècles, obéi volontairement à la même autorité, supporté les mêmes charges, subi les mêmes épreuves, remporté les mêmes succès, conquis une commune gloire, l'isolement n’est plus possible ; leur fusion est forcée, quelle qu’ait été, dans l’origine, la légitimité de leur séparation. Portalis se laissait donc égarer par un patriotisme étroit, lorsqu'il revendiquait pour la Provence une existence politique indépendante, et il devait se condamner lui-même de la manière la plus éclatante, en défendant, sous le Consulat, devant le Corps législatif, l’unité de législation consacrée par le Code civil.

Il était mieux inspiré quand il reprochaït aux édits de 1788 de changer, sans l’assentiment de la nation, les règles constitutives du royaume et de substituer le bon plaisir à la loi. « Les lois, disait-il, sont le riche » héritage des nations, comme la couronne est l’héri-