Portalis : sa vie, et ses oeuvres

AVOCAT 33

« L'uniformité est-elle un bien si absolu, qu’elle , ne puisse comporter aucune exception? Dans une » vaste monarchie, composée de plusieurs peuples, » distincts par leurs usages, par leurs besoins, par leur » caractère, par leurs habitudes, est-il possible que la » différence des mœurs n’en suppose et n’en amène » pas quelqu'une dans les lois? N’est-il pas utile que ; chaque cité, chaque province conserve ses coutumes, qui sont la morale du peuple, l’objet de son attachement, les garants de ses propriétés, et par cela même le lien le plus fort qui puisse l’unir à la puissance qui protége tout 1? » Ces derniers mots expriment en beau langage une incontestable vérité. Sans doute, le berceau des grandes nations est la famille, la commune, la province, et l'énergie de l'esprit local, encouragée dans une juste mesure, est un des signes les plus certains de la vitalité des peuples; mais cet axiome politique, comme toutautre, cesse d’être vrai dès qu’on en exagère la portée. L’indépendance de l’administration provinciale et communale deviendrait, en effet, une plaie sociale, si elle devait compromettre la concentration de toutes les forces nationales vis-à-vis de l’étranger ou empêcher la fusion progressive des races établies sur le territoire d’un même État. Quel que puisse être l’attachement naturel de l’homme à la terre qui l’a vu naître et aux usages que lui ont transmis ses ancêtres, il doit savoir regarder plus loin que l’enceinte de sa cité et ne

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1. Lettre au garde des sceaux, page 9.