Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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talent était grand , leur nombre était faible. Fidèle à ses instincts despotiques, la Convention avait, jusque dans le dernier acte de sa session, marqué son dédain de la légalité et sa résolution de faire prévaloir ses idées politiques sur les vœux de la France. Au moment de se séparer, après avoir voté la nouvelle constitution qui reconnaissait aux citoyens le droit d’élire leurs représentants, elle avait violé le principe qu’elle venait d’y inscrire et décrété le maintien des deux tiers de ses membres au nouveau Corps législatif. Cette majorité, imbue des fausses doctrines qui avaient conduit la France au bord de l’abime, était toute frémissante encore des terribles épreuves qu’elle venait de traverser : ses membres y avaient joué leur fortune et leur tête, et le soin de leur sûreté personnelle leur rendait odieuse toute tentative de conciliation, toute concession à la vieille idée monarchique qui commençait à se réveiller en France. Aussi voyaient-ils avec défiance et colère les hommes nouveaux que le peuple avait choisis dans le but avéré de réagir contre l’œuvre de la Convention.

Ceux-ci pouvaient toutefois compter sur l’appui de quelques membres des anciennes assemblées : Dupont de Nemours, l’un des survivants de l’Assemblée constituante, déclamait avec emphase, mais non sans courage, contre la tyrannie des majorités. Isnard rappelait les souvenirs de la Gironde avec une véhémence voisine de la fureur. Daunou répudiait à la fois les traditions des Montagnards et celles des Girondins. Cambacérès, sympathique aux nouveaux députés, gardait une