Portalis : sa vie, et ses oeuvres

AU CONSEIL DES ANCIENS 49 attitude prudente. Siéyès, énigmatique et taciturne, observait, méditait, se réservait en vue de l’avenir. Autour de ces quelques hommes, ouvertement ou sourdement hostiles au gouvernement révolutionnaire, s’agitait une foule de terroristes sans nom, qu’entraînaient les invectives ampoulées d’un Béntabolle, d’un Clauzel , d'un Chénier, d’un Charlier, d’un Tallien et d’autres orateurs de club. Pour signaler son avénement, la majorité appelait au fauteuil directorial cinq régicides, Barras, La Reveillère-Lepeaux, Rewbell, Letourneur, et Carnot, Le seul d’entre eux qui fût digne, par son caractère et par son génie, de présider aux destinées de la France.

La Convention s'était séparée le 5 brumaire an IV (26 octobre 1795), et le jour même, le Corps législatif s'était réuni. Le sort avait désigné, parmi les représentants âgés de quarante ans et veufs ou mariés, les deux cents membres du Conseil des Anciens : Portalis fut appelé à siéger dans cette assemblée où le parti de l’ordre devait trouver le plus d’adhérents et qui demeura constamment l’élément modéré de la législature. Les autres députés, plus jeunes, plus ardents, composèrent le Conseil des Cinq-Cents.

La tâche des Conseils était immense : les propositions du Directoire, toutes urgentes, toutes indispensables, encombraient les bureaux des deux présidents. Le Corps législatif devait, à la fois, assurer le jeu des institutions nouvelles, pourvoir ‘a la subsistance des armées et à celle des grandes villes, jeter quelques ressources dans les coffres vides de l'État, tenir tête à

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