Portalis : sa vie, et ses oeuvres

AU CONSEIL, DES ANCIENS 53 puyer ensuite Dupont de Nemours avec sa verve incisive, Lanjuinais avec sa chaleureuse éloquence, Tronchet avec l’autorité de sa science et de sa raison, l’opinion de Portalis fut rejetée par le Conseil et la proposition des Cinq-Cents adoptée à une assez forte majorité.

Cet échec ne découragea pas Portalis. Moins d’un mois après, dans la séance du 21 frimaire, il montait de nouveau à la tribune pour soutenir les mêmes principes sur une question analogue. La constitution, en rendant électives les fonctions judiciaires, avait omis de désigner l’autorité chargée de remplacer les juges démissionnaires ou décédés dans l'intervalle des élections. Le Conseil des Cinq-Cents avait attribué le droit de nomination au Directoire; la minorité voulait qu'il fût réservé aux tribunaux eux-mêmes. En soutenant cette dernière opinion, Portalis se maïntenait rigoureusement dans les termes du pacte fondamental et se montrait, à bon droit, soucieux de l’indépendance des juges. Revenant encore à la définition du rôle de la magistrature dans la société, il prononce ces paroles mémorables : |

« Qu'est-ce que le pouvoir judiciaire? Un ministère, » un sacerdoce. Ceux qui remplissent cet auguste mi» nistère ne sont comptables qu’à ceux qui jugent les » justices... Un juge doit être libre comme la pensée, » réglé comme la conscience et incorruptible comme » la vertu; ilest la vive voix de la loi; il ne doit voir » qu’elle au-dessus de lui. ! »

1. Moniteur de l'an IV. Séance du 21 frimaire , tome [er, page 350.