Portalis : sa vie, et ses oeuvres

60 PORTALIS

dans les prisons et rougit de leur sang: les échafauds. Après avoir frappé les personnes, elle saisit les biens : la loi du 17 frimaire an II mit sous le séquestre les propriétés des pères et mères d’émigrés, et n’admit qu’une seule exception, immorale et dérisoire, en faveur de ceux qui pourraient prouver qu’ils n’avaient eu aucune part à l’émigration de leurs enfants majeurs. Le 9 floréal an ITT, une mesure inouïe vint mettre le comble à cette législation draconienne : toutes les pénalités antérieures contre les pères et mères des émigrés étaient supprimées; mais, par une fiction monstrueuse, la Convention, les tenant pour morts de leur vivant, déclarait leurs successions ouvertes et prélevait, sur leurs biens et sur ceux des autres ascendants d’émigrés, la portion dont leurs enfants ou petits-enfants auraient hérité.

Cette loi, unique dans les annales de l’histoire, et qui spoliait à la fois les parents et les enfants, était, il est vrai, demeurée à l’état de mesure comminatoire. La Convention, grâce à la guillotine, recueillait tout entières les successions dont la loi de l'an II ne lui attribuait qu’une partie : elle n’avait donc pas eu besoin de l'appliquer, elle en avait même suspendu l’exécution.

Le Directoire se trouvait, vis-à-vis des parents d’émigrés, dans une position très-différente. Il avait renversé l’échafaud; mais ses besoins financiers étaient pressants, et, dans l’impossibilité d’y faire face par des moyens réguliers, il n’hésitait pas à recourir, comme ses devanciers, à la spoliation. Biens du clergé, biens d’émigrés, biens départementaux, biens communaux,