Portalis : sa vie, et ses oeuvres

AU CONSEIL DES ANCIENS 59 pas de même de ceux qui les avaient suivis. Les émigrés de 1792 et de 1793 avaient cédé à la crainte plus qu'à la passion, et, en franchissant la frontière, ils avaient eu, en général, pour but, non de conspirer contre la France, mais d'échapper à leurs persécuteurs. Il aurait fallu distinguer entre ces deux classes si différentes d’émigrés, sévir contre les premiers, dont le crime était irrémissible, et user envers les seconds de la plus grande clémence. Malheureusement, les assemblées révolutionnaires n’en avaient rien fait. Une série de lois, dictées d’abord par la nécessité, aggravées par la colère et la peur, maintenues par la haine, avait successivement voué à l’exil ou à la mort la masse des émigrés. Dès 1791, l’Assemblée législative confisquait leurs biens ; le 17 septembre 1792, elle imposait à leurs pères et mères l’entretien de deux militaires pour chaque enfant émigré; le 28 mars 1793, la Convention déclarait les émigrés à jamais expulsés du sol français, leur en interdisait l'entrée sous peine de mort et, transformant ses soldats en bourreaux, leur enjoignait de fusiller sans jugement tous les émigrés, armés ou non, qui tomberaient entre leurs mains ; enfin, pour satisfaire ses besoins financiers en même temps que ses rancunes politiques, elle déclarait dévolues à la république les successions futures des émigrés.

Ne pouvant rien de plus contre les émigrés, ce fut à leurs parents restés en France que la Convention s’attaqua. Elle commença par les exclure de toute fonction publique, en vertu de la loi du 3 brumaire an I; elle les déclara suspects, les jeta par milliers