Poussière du passé : (notes et tableaux d'histoire)

VIES D'ÉMIGRES 109

change. L’ère des infortunes commence. On était à Tournai, à Bruxelles, à Fribourg, à Soleure, à Bonn, à Worms, à Coblentz, vivant au jour le jour, les yeux tournés vers la France, s’attendant à y rentrer. Et voilà que la foudre a éclaté : pénalités terribles édictées contre les absents, par l’Assemblée nationale; leurs biens confisqués, leurs parents arrêtés, ceux qui correspondent avec eux mis à mort. (Cest la Terreur. Plus moyen de retourner chez soi.

Puis, ce sont les armées de la république qui entrent, victorieuses, en Allemagne et en Italie, dans les Pays-Bas, chassant devant elles le troupeau des émigrés. Il faut fuir. Et quelle fuite! Pas d'argent, pas de pain, les relais sans chevaux, les auberges pleines, les routes encombrées! Et derrière soi, les soldats de la France. D’aventures en aventures, de misères en misères, de catastrophes en catastrophes, on roula jusqu’à l’abîme.

La marquise de Falaiseau a connu ces calamités. Elles revivent sous sa plume. C'était une femme exquise, une épouse modèle, une mère admirable. C'était aussi une vaillante et une chrétienne. Tout ce qu’elle a vu est marqué, par

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