Poussière du passé : (notes et tableaux d'histoire)

VIES D'ÉMIGRÉS til

ütre, elle ne quitta plus la Cour et, en 1830, accompagna la famille royale proscrite, auprès de laquelle elle resta tant que Mademoiselle, sœur du comte de Chambord, eut besoin de ses leçons. Cest dire que, durant près d’un demisiècle, elle avait beaucoup vu, beaucoup entendu, beaucoup observé, comme la plupart des contemporains illustres, et qu’en conséquence, sur les hommes et sur les choses elle savait beaucoup.

Il s’en fallut de peu, cependant, que ce savoir ne fût perdu pour l’histoire. Elle atteignait déjà ses quatre-vingts ans, et de tant d’attachants souvenirs, rien n’était encore écrit. C’est alors, en 1853, que le comte Georges Esterhazy, qui venait d’épouser la petite-fille de la duchesse, Me de Chabot, supplia la vieille aïeule de raconter pour ses descendants les tragiques événements auxquels elle avait été mêlée. Elle consentit: « Je cède à cette aimable et tendre intention, disait-elle, me faisant cependant la promesse de résister au charme trop commun de parler impitoyablement de soi-même. Je chercherai dans ma mémoire les souvenirs des révolutions auxquelles j'ai souvent assisté, afin de donner de l’intérêt à mes récits, »