Poussière du passé : (notes et tableaux d'histoire)

LE CHANCELIER PASQUIER 204

vie correctement et au grand jour, il n’a pas eu à défendre ses actes contre des accusations ardentes et passionnées. Ce n’est donc pas pour se défendre, en présentant les faits à sa manière, qu’il a écrit, mais uniquement pour raconter ce qu’il avait vu, ce qu'il avait lieu de croire la vérité. De là, un désintéressement qui éclate à toutes les pages de son livre, et, ici, désintéressement équivaut à exactitude et bonne foi. De telle sorte que lorsqu'il formule, en la précisant, quelque grave accusation contre tel ou tel personnage, nous sommes amenés logiquement à conclure qu'entre les affirmations intéressées de ce personnage et les siennes, ce sont celles-ci qu’il faut accepter comme véridiques.

J’en trouve une preuve bien saisissante dans ce qui a trait au meurtre du duc d’Enghien. On sait quels arguments Talleyrand a apportés dans les controverses mémorables qui s’engagèrent sur cet effroyable événement aussitôt après la chute de l’Empire. Pour convaincre de calomnie ceux qui lui imputaientla responsabilité du crime, il a consigné dans ses Mémoires la version qu'il voulait livrer à la postérité. Or, voici que le chan-

celier, dans son livre posthume publié trente ans