Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. —

rité; et l’on a prévu qu'il serait impossible de les liquider qu’avec le temps.

Tout ce qu’il y avait d’un peu considérable dans le royaume vivait de cette vénalité; puisque tout avait été vendu. Cha. que jour de nouveaux impôts, dont on masquait le nom sous celui de droits, quoiqu’iln’y eût rien de moins droit et de plus inique, tombaient brusquement sur quelque objet'de nécessité, et dérangeaient les fortunes de tous ceux qui vivent de leur travail. Cette partie de la fiscalité avait aussi ses mystères, qui n'étaient connus que des initiés ; et le peuple payait toujours. Mais, par une longue durée et par l'accroissement de ces abus , il s’était formé dans la nation une nation particulière et privilégiée ; c’était la réunion de tous ceux dont les abus composaient la vie et l'existence. Elle vivait aux dépens de l’autre. Mais sa coalition inévitable empêchait qu’on püût faire aucune réforme : le ministre qui l’aurait tentée aurait été bientôt renvoyé. M. Turgot, qui voulait la faire tout-àla-fois, fut décrié et obligé de se retirer. M. Necker voulait l’opérer avec le temps et insensiblement ; mais cinquante ans d’un ministère paisible, sans guerres et sans besoins, n’y auraient pas sufli. Cette prodigieuse tentative était au-dessus des moyens d’un seul homme : il ne fallait pas moins que la nation entière pour l’oser 3 et l’on a vu quels périls ont courus l'assemblée constituante et la chose publique dans cet immense ébranlement. Quelle prodigieuse coalition , en effet ; un ministre , un roi même auraient eue à combattre ! soixante mille nobles ou ennoblis, qui tenaient tous les fils de Ja féodalité, et la foule desoudoyés qu’elle faisait vivre : les militaires, tous nobles , ou, ce qui est encore pis, prétendant l'être: cent mille privilégiés, dont la prérogative consistait à ne pas payer tel ou tel impôt : deux cents mille prêtres , inégalement fortunés, mais tous liés par un même système, ne formant qu'un seul tout, dirigeant à leur gré la populace et les femmes , et accoutumés depuis mille ans à gouverner l'empire par l'opinion et les préjugés : soixante mille Personnes vivant de la vie religieuse , et dont plusieurs influaient puissamment sur le monde auquel ils avaient fait vœu de renoncer : les fermiersgénéraux , tous les agens dwfisc , et leur armée de cinquante mille hommes , et cette multitude de gens qui occupaient des emplois jusques dans les plus petites villes, et leurs familles et leurs amis : enfin la robe toute entière ; ces parlemens rivaux des rois , c’est-à-dire de leur puissance , défendant ou sacrifiant lé peuple pour leur agrandissement , et qui, de juges , aspiraientà devenir législateurs; les cours inférieures qui leur étaient soumises ; et cette nuée de gens de pratique, qui, tous

ensemble , levaient sur la nation un impôt dont l'imagination