Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

EXECUTIF. 139

Qu'on ne s’attende point à un combat. Les deux conseils se sont comme obstinés à se laisser surprendre; ils n’ont pas même eu recours à cette ressource que toutes les assemblées avaient employée jusque-là avec succès ; c'était de rendre la séance permanente. Seulement les inspecteurs de la salle veillent ; ils mettent en question l’approche des hostilités du directoire ; ils discutaient encore lorsque le canon d’alarme retentit. À ce signal, huit ou dix mille hommes campés aux environs de Paris se mettent en marche. Ils arrivent aux portes des deux palais où siégent, ou plutôt où auraient dû siéger les deux conseils. La garde du corpslégislatif, en vain retenue par les cris et les menaces de l’un de ses commandans, Ramel, se joint bientôt aux troupes qui l’investissent, marche dans leurs rangs. Quelques inspecteurs s’échappent; d’autres sont arrêtés. Pichegru rend son épée aux soldats; il est conduit au Temple. L'heure des travaux est arrivée. L’immense population de Paris apprend confusément ce qui s'est passé : la peur est déjà telle, qu’elle porte à feindre l'indifférence. Il n’y a plus de courage que pour offrir des demeures aux proscrits. On lit des affiches où la trahison de Pichegru est annoncée. On pouvait encore être incrédule; mais qui eût osé le paraître? Cependant les membres des deux conseils se rendent à leurs postes, et quelques-uns { qui le croirait ? )} ont conservé leur sécurité. L'autorité de leurs discours ne suffit point pour leur ouvrir les rangs des soldats qui occupent leur palais. Plusieurs députés sont arrêtés dans ce moment même; d’autres s’assemblent chez leur président {Lafond-Ladebat }, y rédigent de vaines protestations. La violence les poursuit dans cet asile. La minorité des deux conseils se rend dans la salle de FOdéon, où le directoire l'avait appelée. Le reste du jour se passe à chercher les députés et les journalistes dont la proscription importe le plus au directoire, La prison du Temple les reçoit en foule. Le directeur Barthélemy y est conduit; ses trois collégues, qui avaient conspiré sa perte et celle de Carnot, avaient veillé avec eux-mêmes une partie de la nuit, et s'étaient plus à jouir de la tranquillité qu’ils leur supposaient. Barthélemy avait été gardé à vue dans son appartement, Carnot s'était échappé du sien. J'ai dit tout le 18 fructidor. :

Dans cette journée, trois directeurs, du haut d’un tribunal que la constitution n’avouait pas, et que les armes protégeaient, avaient jugé coupables deux de leurs collégues, la majorité des deux conseils, beaucoup d’administrateurs, et un grand nombre d'hommes de lettres. Dans la journée du

. 19 fructidor ils prononcèrent la peine; c'était la déportation

gi e 18.