Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

:86 DIRECTOIRE

était encore plus précieux pour lui, parce qu’il avait pu en faire goûter les douceurs à un grand nombre de proscrits. Quellé douleur pour lui d'en être arraché ! La paix, lui disait-on pour vaincre sa résistance , la paix va régner parmi nous , la révolution est éteinte. Il arrive , et tous les cris de la discorde retentissent à ses oreilles : il est déjà lui-même l’objet d’une haîne profonde ; trente années de travaux importans , maïs paisibles , lui laissent le chagrin de sentir son inexpérience au milieu des chocs des factions. Carnot, dont l’influence s’est beaucoup plus fait sentir, est encore plus odieux à ses trois collégues, Rewbel, Laréveillère-Lepaux et Barras. C’est lui sur-tout qu’ils veulent perdre ; et l'homme dont le républicanisme n’est que trop attesté par le titre de membre du comité de salut publie , on veut le faire passer pour royaliste. Quelle sera donc l'étendue du coup qu’on va frapper ? Quand on accuse avec une telle absurdité , qui craindra-t-on de proscrire ?

Carnot, plus puissant qu'aucun autre, par sa place, par ses nombreux partisans, et par ce que l’on a appelé l'énergie révolutionnaire, sûr de n’être point épargné par des républicains jaloux, craint presque autant qu'eux les royalistes. Il aime mieux supporter la défaite que de procurer une victoire dont le royalisme profiterait bientôt. Par ce système d’inactionilanéantit l'influence d’un parti modérateur qui conservait encore assez de crédit dans le conseil des anciens , et qui paraissait en obtenir un peu plus dans le conseil des cinq-cents.

Enfin les trois directeurs laissent éclater des menaces. Déjà ils ont renvoyé les deux ministres que la haîne des anarchistes poursuit depuis long-temps, Cochon, ministre de la police, Benezech , ministre de l’intérieur; ils ont augmenté lenombre des troupes qui environnent Paris. Le général Hoche se dis-

ose à marcher à leur secours avec une partie de l’armée. Toutes ses lettres sont foudroyantes pour les deux conseils. Le général Augereau est à Paris, et commande la force armée. Les députés, que tant d’apprêts avertissent, n’ont plus, pour se rassurer, que ce seul mot qui trompe toujours : on n'oserait nous frapper. On dit pourtant que le général Pichegru et le général Willot donnèrent à leurs colléguées des conseils audacieux, qui ne furent point écoutés; qu'avec une poignée de soldats de la garde qui leur étaient dévoués , ils se faisaient fort de prévenir le directoire , de marcher de nuit sur le Luxembourg, de frapper les trois directeurs dans leurs eon= ciliabules nocturnes. On dit plus : c’est que des assassins s’offrirent, ét que leurs secours furent rejetés avec indignation par les deux commissions qu'on appelait inspecteurs de la salle... Mais le 18 fructidor est arrivé.