Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

EXECUTIF. 153

la guerre, Ce qui rendait leur médiocrité plus dangereuse , c'est qu’ils étaient fertiles en expédiens. S’ils avaient une.injustice à commettre, ils trouvaient toujours une loi pour la justifier. On ne se sentait point opprimé par des violences de tyrans , mais par des subtilités de légistes. Ce qu'il y avait de plus difficile à rencontrer en France, c'était un partisan sincère du directoire. Il en fit l'expérience aux élections de germinal, qui avaient pour objet de compléter le corps-législatif, mutilé de moitié par le 18 fructidor.

On avait pris tant de précautions pour en éloigner tous ceux qui avaient quelque degré d’affinité avec les royalistes, qu'on pouvait bien s'attendre à une influence toute opposée. Ce fut un acte de courage pour un homme qui se sentait capable de modération que de se présenter à ces assemblées. Elles fournirent un tableau complet du délire de la démagogie : la constitution de 93 y fut invoquée; les vieux jacobins épanchèrent librement leur joie et leurs espérances ; il se présentait des vengeurs pour Gracchus Babœuf, et des vengeurs même pour Robespierre. Les directeurs y étaient appelés les éyrans du Luxembourg. Un fait digne de remarque, c’est que la journée du 18 fructidor y fut assez généralement co nadamnée, non pas , ainsi qu’on pourrait le croire de telles assemblées, comme une vengeance incomplète, mais comme une vengeance illégale: les jacobins, depuis leurs longs revers semblaient avoir pour principe de n’accabler qu’un seul eu nerni à-la-fois. C'était le directoire qu'ils voulaient abattre ; ils se fortifiaient contre lui de toutes les haînes qu’il avait excitées. :

Un tel résultat devait couvrir de confusion le directoire : il dévoilait son imprévoyance et l’inconcevable aveuglement qui lui avait fait multiplier les digues contre le royalisme impuissant pour laisser un champ libre au jacobinisme. Il ne se déconcerta point ; il se souvint que les lois du 19 fructidor lui avaient laissé une arme à deux tranchans dont il pouvait frapper des républicains fougueux, comme il en avait frappé des hommes accusés de tiédeur. Il voulait cette fois éviter les proscriptions ; l’espèce d’ennemis qu’il avait à combattre ne les permettait pas long-temps. Dans le choix des moyens, il préféra un grand scandale à une extrême violence. Voici l’expédient auquel il eut recours, et qui contribua beaucoup à accélérer sa chute. Dans tous les coïfps électoraux où il crut voir la majorité se déclarer contre lui, il invita , ou plutôt il forca , par le moyen de ses commissaires, la minorité mécontente à faire des élections de son côté. Il eut le malheur de ne pouvoir établir aucune espèce de proportion dans ces assemblées rivales. Elles étaient si éloignées de se balancer

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