Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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Bientôt on parla d’une vaste expédition, dont Bonaparte avait concu le plan. Les regards se détournèrent de l'Océan et de la descente en Angleterre, pour se porter vers la Méditerranée et vers le théâtre fameux des anciens conquérans. On savait qu'un puissant armement se préparait à Toulon. Bonaparte le pressait du milieu de Ja capitale. Il y vivait sans éclat, sans montrer aucune recherche de popularité : il aimait à s’entretenir avec les savans et les gens de lettres , et s’honorait d’avoir été reçu membre de l'Institut, espèce d’assemblée fédérative pour Les sciences , les lettres et les arts,

ue la convention, dans un de ses jours de sagesse et de libéralité, avait organisée pour réparer les ficheux effets de la suppression des académies.

Cependant les événemens extérieurs se développèrent de manière à faire sentir que la France aurait bientôt besoin de la présence du plus grand de ses guerriers: Le directoire usait de la paix pour soumettre des états faibles. La Suisse était envahie, et des combats acharnés mettaient tous les jours aux prises de vieux républicains contens de leur antique liberté, et des républicains nouveaux qui voulaient tout entraîner dans leur tourbillon. Le souverain pontife était chassé de Rome. La cour de Naples, le Piémont, la Toscane, étaient près de subir le joug de la grande république. L'Aùtriche dissimulait ses ressentimens ; mais la paix qui se négociait à Rastadt avec l'empire germanique, embarrassée par toutes les lenteurs de la diète de Ratisbonne, laissait couver les apprêts d'une nouvelle ligue.

Dans des circonstances aussi menaçantes , le directoire ne dissimulait plus sa jalousie contre les généraux : il les accablait de dégoûis et de persécutions, et, recourant toujours aux armes , il avilissait la gloire militaire. La discipline s’affaiblissait dans les camps ; pour la première fois, on y entendait parler de séditions. Chaque armée avait à sa suite des commissaires du directoire , dont la plupart, concussionnaires avides. se faisaient détester des soldats autant que des pays conquis : de-là, des rumeurs offensantes pour les direcfenrs eux-mêmes. Cependant ils vivaient tous sobrement, à l'exception de Barras : quand ils sortirent de leurs éminentes fonctions, chacun d'eux se tronva dansun état éloigné de l’o-

ulence. Ils avaient calomnié leurs adversaires en les proscrivant, ils furent calomniés dans tous le cours de leur règne. Dans la position fausse et violente où ils s'étaient placés ; ils disaient aux Français : Vous êtes sous l'empire d’une constitation ; et il n’y avait pas un article de ce code qui ne fût impudemment violé par eux-mêmes : vous goûtez les douceurs de la paix, et l'on ne voyait autour de soi que les fléaux de