Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

EXECUTIF. 203

côte est toute bordée de rescifs dangereux. Mille canots s’élancent. Bonaparte, monté sur une galère , saute sur le rivage. Pendant ce mouvement, qui exposait beaucoup les vaisseaux, si Nelson se fût présenté , la fortune veille encore sur eux : ce sera là sa dernière faveur. Quatre mille hommes sont débarqués; la nuit arrive, il faut en profiter. Bonaparte se porte sur Alexandrie. À deux heures du matin il est en marche. Les divisions suivront cette route à mesure qu'elles débarqueront. On rencontre un corps d’Arabes qui couvrent les hauteurs de la ville. Ils attaquent ; la fusillade s'engage , ils s’enfoncent dans le désert; on est devant les murs de la ville. Bonaparte eût désiré parlementer. D'effroyables hurlemens qui s'élèvent, qui redoublent , apprennent à quel degré la rage des habitans s’est portée. On bat la charge; on escalade les murs. Le général Kléber , qui monte un des premiers , est atteint d’une balle ; le général Menou est renversé du haut des murailles qu’il avait franchies. Le soldat, emporté par son ardeur, entre dans la ville. On se fusille; on s’égorge dans les rues. Mais Bonaparte a réussi à calmer les habitans de la ville, en leur faisant dire, par le commandant d’une caravelle turque, qu’il vient comme allié du gouvernement ottoman châtier des beys rebelles et usurpateurs. Le carnage s'arrête ; la ville capitule , et Bonaparte est maître de la ville d'Alexandrie.

Cependant toutes les divisions ont débarqué. L’escadre, qui croit être affranchie de ses plus grands dangers, va mouiller dans la rade d’Aboukir. Bonaparte a fait équiper une petite flottille destinée à remonter le Nil. Dès le lendemain de son entrée à Alexandrie, il est en marche pour le Caire. Les Arabes, dont les chefs avaient mangé avec Bonaparte le pain, gage de la foi des traités, plus fidèles à leurs habitudes qu'à leurs sermens, harcèlent l’armée , égorgent et pillent tous ceux qui s’éloignent ou sont en retard. Ils ont comblé tous les puits. Le soldat éprouve, pendant plusieurs jours, le supplice d’une soif dévorante ; un verre d’eau saumâtre se paye au poids de For.

Dans une pareille extrémité (dit le général Berthier, dont j'analyse la belle relation}, l’armée d'Alexandre poussa des cris séditieux contre le vainqueur du monde, les Français accélérèrent leur marche.

Quels transports de joie s’élèvent quand on découvre le Nil! On s’y plonge , on s’abreuve de ses eaux ; on admire son cours , ses rivages. La charge sonne. On aperçoit enfin les ennemis qu’on aura à combattre. Huit cents Mameloucks s’avancent en ordre de bataille. On reconnaît à leurs mouvemens , à leur impétuosité , qu'ils sont dignes de toute la valeur francaise. L’artillerie les force à la retraite.