Récits des temps révolutionnaires d'après des documents inédits

LA MORT DE PICHEGRU. 145

la tête aux pieds, l’enlever à moitié nu. Une voiture attendait dans la rue; on l’y porta comme un paquet et on le conduisit chez le grand juge Régnier, qui le fit comparaître devant lui, en présence de plusieurs témoins réunis à dessein; on comptait sur eux pour répandre dans Paris la nouvelle de l’arrestation, pour confondre les incrédules qui s’obstinaient à nier l'existence d’un complot et à prétendre que les soi-disant conspirateurs n'avaient pas quitté l’Angleterre.

Devant tout ce monde, Pichegru recouvra son calme ; il cessa toute résistance, et, s'étant habillé, il subit un interrogatoire sommaire, à la suite duquel il fut envoyé à la prison du Temple.

De même qu'il avait voulu faire grâce à Moreau, Bonaparte voulait faire grâce à Pichegru, et, puisque celui-ci connaissait Cayenne où il avait été proscrit, lui confier le soin de coloniser, — au profit et avec l’aide de la France, — cette terre lointaine. Pichegru était emprisonné depuis plusieurs jours lorsque Réal se présenta au Temple pour lui faire part des propositions de Bonaparte. Il commença par douter de leur sincérité : peutêtre, en les lui faisant, ne voulait-on que le

pousser à des aveux et à trahir ses complices. 10