Récits des temps révolutionnaires d'après des documents inédits
LES ÉMIGRÉS ET LES GÉNÉRAUX DE NAPOLÉON. 263
le malheureux prince qui lui a tendu la main? Il fera comme moi, comme nous tous, qui, sans calculer le danger, vous avons combattus. Si le sort des armes lui est contraire et si, blessé, il est pris, il n'aura qu’à considérer sa blessure comme mortelle. Monsieur le général, c’est vivre que de mourir ayec honneur, et vivre en y manquant, c'est mourir à chaque minute. »
Clarke était visiblement ému par ce langage.
« J'espère qu'il n’arrivera rien à votre fils, dit-il. Sa position n'en est pas moins embarrassante. — Embarrassante, non, déclara l’émigré; dangereuse seulement. »
Le général ne releva pas ces propos et exprima le regret d’avoir dû interroger le voyageur.
« Votre passeport est en règle, ajouta-t-il, et vous permet de partir. Je vous prie seulement de différer votre départ de six jours et de revenir me voir avant de quitter Berlin. Si vos finances devaient souffrir de ce retard, il serait facile d’y pourvoir. »
L'émigré n’accepta pas cette offre de secours, et après avoir prié Clarke de lui fixer le jour où
il devrait se représenter devant lui, il se retira.