Séance de rentrée des cours de la Faculté de théologie protestante de Paris, le samedi 7 novembre 1903
— 23 —
en effet, déjà exclu de l’enseignement des grands séminaires par M. de Martignac, depuis définitivement expulsé par la Révolution de juillet, rentrait sans bruit dans notre pays à la suite des dominicains et avait ouvert plusieurs collèges en province. Edgar Quinet, instruit par le rôle néfaste qu’il avait joué en Espagne et en Italie, y vit un péril pour les institutions libérales créées par la Révolution et crut bon de le signaler : « Eh quoi! s’écriait-il, je verrais, par une observation attentive, l'Europe du Midi se consumer dans la formation et le développement. de cet établissement, languir, s’éteindre sous cette influence des jésuites, et moi qui m'occupe de ces peuples du Midi, je ne pourrais pas dire ce qui les fait périr! Prenez garde! d'autres ont fait l'expérience pour vous; les peuples qui sont le plus malades en Europe, ceux qui ont le moins de crédit, d'autorité, ceux qui sont le plus abandonnés de Dieu, sont ceux où la société de Loyola à son foyer. Ne vous laissez pas aller à cette pente, l'exemple montre qu’elle est funeste. N’allez pas vous asseoir sous cette ombre: elle a endormi et empoisonné pour deux siècles - ÎEspagne et l'Italie (1)! »
Après avoir justifié son sujet, l'éloquent professeur analysait Tes Constitutions de la Société, étudiait ses missions étrangères et concluait qu'en tout elle avait faussé la religion de Jésus et que son esprit, ses principes étaient en contradiction avec le génie et le caractère français.
Or, contre ce péril Quinet ne proposait pas de recourir à la violence, il ne demandait pas qu’on exclût du droit commun ces éternels adversaires du libre examen et de la liberté. Non! fidèle à ses principes de justice et de tolérance, et confiant dans la puissance de la vérité, il ne réclamait que la liberté de discussion en matière religieuse. Contre ces « Pharisiens du christianisme », comme il les appelait, il n’employait que la persuasion. « Les jésuites, disait-il, demandent aujourd’hui la liberté pour tuer la liberté. Accordez-leur cette arme, je ne m'y oppose pas; elle ne tardera pas à se retourner contre eux. Ouvrez-leur toutes les barrières! C’est le moyen de mieux trancher la question; et ce moyen ne me déplaît pas. Qu'ils soient partout, qu'ils envahissent tout,
(1) Les Jésuites, p.30.