Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires
LE ROI FERDINAND
De tous les pays balkaniques, la Bulgarie est assurément celui qui a fait la fortune la plus rapide. Affranchie par les armes de la Russie, démembrée par l’Europe au traïté de Berlin, elle a, dès 1885, reconstitué son unité — provisoire — grâce à l'annexion volontaire de la Roumélie orientale. Cette unité, le prince Alexandre de Battenberg sut la maintenir en dépit de la mauvaise volonté de son voisin, Milan de Serbie. Malheureusement pour des raisons que nous n'avons point à énumérer ici, le prince Alexandre n’était point persona grata auprès de l'empereur de Russie et, comme la Russie était de fait la véritable puissance suzeraine, le prince Alexandre crut devoir abdiquer.
Les Bulgares se trouvèrent dans un grand embarras. Ils envoyèrent en Europe une députation composée de trois hommes d’État : MM. Grekov, Stoïlov et Kaltchev, avec la mission de leur trouver un souverain. J’eus l'honneur de les recevoir, si mes souvenirs sont bien exacts, au mois de novembre 1886. Je n'avais pas de candidat à leur recommander et je leur demandai s'ils ne croyaient pas que la solution la plus simple était d’ériger leur pays en république. Ils n'avaient point de descendants d’ancienne dynastie, ils n’avaient point d'aristocratie héréditaire. Ils constituaient essentiellement un peuple de laboureurs et de marchands. Pourquoi ne pas faire l’essai d’une Constitution républicaine ? Il serait toujours temps de chercher un prince si vraiment les Bulgares étaient hors d’état de s’en passer.
Mes interlocuteurs ne se laissèrent point persuader par mes arguments ; ils connaissaient leur peuple mieux que