Souvenirs des campagnes du lieutenent-colonel Louis Bégos, ancien capitaine-adjudant-major au deuzième régiment suisse au service de France

— 163 —

Partout je fis trembler l'ennerni de la France, Autant par mes soldats que par ma vigilance ; J'attirai les proscrits et je leur fis du bien, Quiconque aimait la France était pour moi chrétien ; Je combattis le schisme et ce pouvoir qui pense Avoir reçu de Dieu le droit d’intolérance,

J'étais fait pour le trône, et, de ma main de fer, J'aurais fait obéir le tyran le plus fier!

Par moi les plus hauts monts se sillonnaient de routes, Je détachai la roche et lui creusai des voûtes ;

Des canaux furent faits, et, par mon seul vouloir,

Je décorai l'honneur, je dotai le savoir ;

Le Nil vit mes soldats, joints à l'Académie,

Ajouter aux lauriers la grandeur du génie;

Mes codes resteraient, si je n’eus rien laissé,

Et mes lois survivront à mon aigle effacé !...

Je travaillai pour vous, j’amassai pour le Louvre

Les trésors du Della que ce palais recouvre.

Dans les murs de Moscou, je me vis empereur,

Et couvert de ma gloire on me vit sans terreur,

Au moment où le feu consumait ses victimes, Regarder le destin me creusani ses abimes!.. L’Autrichien m'a trahi! de sa fille l'époux,

Je devins à ses yeux un empereur jaloux...

Les Russes décimaient mes troupes abimées;

Dès la Bérésina je n’avais plus d’armées !

Les Suisses, toujours fiers de servir l’empereur, Succombaient vaillamment pour leur aigle et l'honneur! Mais plus tard méconnus, ces vétérans de gloire Pleuraient nos étendards trahis par la victoire! L'élément détruisait mes malheureux soldats,

Qui tournaient un œil morne aux fins de mes états.