Souvenirs des campagnes du lieutenent-colonel Louis Bégos, ancien capitaine-adjudant-major au deuzième régiment suisse au service de France

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Je n'ai pas pu mourir au milieu de mes braves. Le destin le voulut, je maudis ses entraves.

De Madrid à Moscou, tous ces princes jaloux Ont vu ce que j'étais quand j'étais avec vous. Voyez l’homme du monde attaché sur cette île, Dévoré par un mal où l'art est inhabile.

Vivant de mes regrets, faligué de mes ans,

Je ne vois que la mort pour finir mes tourments. (Avec une grande émotion en regardant le portrait de son fils.)

Mais non, mon fils encor me rattache à la vie,

C’est lui, ce sont ses traits ! qu’il est beau ! sa patrie. Il ne la connaît pas... que d'odieux abus!

Hs flétriront son père et ne le craindront plus !...

(1 parle et va s'endormir.)

Mais le sommeil parfois sait calmer ma pensée, Refouler mes douleurs dans mon âme oppressée.

Ah! quel bienfait nouveau! Je sens que mes esprits Se calment doucement par le sommeil surpris.

(I rêve à haute voix.)

Que vois-je ! que veux-tu ! me traîner à ta suite! Moi... Je suis l’empereur. Tu redoutes ma fuite ! Oses-tu me garder? ah! c'est toi, mon cher fils! Quel est ce vêtement? à qui sont ces parvis ?

Que te demande-t-on? N’es-tu pas à la France ?

Mais quoi, si jeune encor, connais-tu ma puissance ! Ne pleure pas, mon fils... Tu ne me connais plus, Te parle-t-on de nous ? Oubliés, méconnus !

Ils ne L’ont jamais dit qu’ici j'étais le maître !.…

Qu’à Vienne j’ordonnais, quand Paris l’a vu naitre!….