Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
CE SOUVENIRS D’OCTAVE LEVAVASSEUR
victorieuses et vaincues ne lui avaient laissé ni vivres ni fourrages, ni approvisionnements d'aucune espèce. On découvrait parfois dans les églises, dans les caves, dans les champs, dans les bois, des silos contenant quelques pommes de terre et du lard; il fallait enfin trouver des ressources de vive force. Ney ordonna une razzia en avant sur un village occupé par les Russes : 3 ou 4 000 hommes, suivis de 6000 fourrageurs, avec des voitures, des cordes et tous les moyens de transport possibles, se mirent donc en marche dès le point du jour.
Les combattants attaquent le village; il est pris ; on le dépasse. Nos fourrageurs s’abattent sur les maisons, les démolissent, enlèvent le chaume des toitures, s’emparent des bestiaux et de tout ce qui se trouve dans les habitations. Mais bientôt l’armée russe approche; un combat nouveau s'engage, et nous faisons retraite, gorgés de butin pour six ou huit jours. C’est ainsi que, pendant trois mois, nous vécûmes, dévastant tantôt un village, tantôt un autre.
Des Juifs, qui nous apportaient de fort loin des vivres, nous furent d’un grand secours, mais ils épuisèrent nos bourses; et, chose vraiment surprenante, nos chevaux, qui ne mangeaient que de la paille des toits hachée, se maintinrent en bon état.
Dans les missions que je remplis à cette époque, combien de fois, mourant de faim, me suis-je arrêté auprès d’un bivouac de soldats, qui s’em-