Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
126 SOUVENIRS D'OCTAVE LEVAVASSEUR
Favorisé par l’obscurité de la nuit, je pénètre dans une gorge, près du chemin quilonge la rivière. Je descends de cheval, et, apercevant la tête du pont sur ma gauche, je marche silencieusement vers ce point : les deux premières arches sont coupées. À la clarté des bivouacs, j’aperçois une vedette à l’autre extrémité du pont: le bouillonnement des vagues m'indique que les pierres des arches rompues ont presque entièrement comblé la rivière dans cet endroit. Je marche er me baiïssant; mes voltigeurs, défilant par un, descendent comme moi, en silence. En moins de dix minutes, l'intervalle est rempli par ces hommes qui déjà s’y pressent; de la première arche, nous passons à la seconde, puis, nous aidant les uns les autres, nous nous hissons sur le pont en dérobant notre marche à l’aide des tourelles placées sur chaque pile. Quand tout le monde est monté, je crie « En avant! » et tous les soldats répètent ce cri; ils s’élancent à la tête du pont en faisant une fusillade et en poussant des hurras qui réveillent en sursaut l’ennemi et le mettent dans le plus grand désordre. Mes hommes font feu et se lancent sur plusieurs directions dans la ville. Cependant, prévoyant que l'effort des Espagnols pourra se porter sur le pont et voulant d’ailleurs ménager une retraite à mes soldats, j'arrête une vingtaine d’entre eux et je reste quelque temps à attendre, redoutant le massacre des autres voltigeurs dispersés, si l’ennemi se rallie et revient de sa surprise; mais, aucun