Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
GUERRE D’ESPAGNE EN 1808 ET 1809 133
Je remis au général l’ordre dont j'étais porteur, et, le lendemain, l'Empereur et son armée, passant par le Guadarrama, vinrent nous rejoindre. C’est sur les cimes neigeuses du Guadarrama que se trouve un château où le roi d'Espagne vient prendre le frais pendant les grandes chaleurs de l'été (1). Ce passage dangereux, où j'avais failli périr, s'appelle le passage du Lion et prend son nom d'une statue colossale de ce quadrupède que l'on voit en haut de la gorge : ce nouveau sphinx défie les voyageurs.
Nous continuâmes notre route sur Benavente, où nous devions passer l’Esla, pour prendre en flanc droit l’armée anglaise et espagnole, tandis que le maréchal Soult allait l’attaquer en tête sur la route de la province de Galice. Parvenus le 29 décembre au pont de Benavente, nous vimes qu'il était coupé, et que la cavalerie anglaise, aux ordres des lords Page et Hewart, était en bataille derrière la rivière. On ordonna à Lefebvre-Desnouettes de passer cet obstacle, avec trois escadrons de chasseurs de la Garde, et d'attaquer l'ennemi. Ce brave général lança sa troupe à la nage dans le courant rapide; un grand nombre de chasseurs furent entraînés’ et noyés, mais enfin la plupart d’entre eux, parvenus à l’autre rive, se remirent en bataille, et nous les vimes charger avec intrépidité les Anglais qui prirent d’abord la fuite. Mais bien-
(1) Le fameux palais de l’Escurial. (Note de l'éditeur.)