Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
1814 — PREMIÈRE RESTAURATION 247
tois recevait dans le petit cabinet de l'Empereur aux Tuileries. C’était un changement étrange de voir, dans un lieu si rempli de souvenirs et à un intervalle si rapproché, deux hommes d’une nature si différente et entre lesquels les révolutions avaient creusé un abîme incommensurable. Le prince était rayonnant et véritablement ivre de joie.
On attendait avec impatience l’arrivée du roi. Tout ce qui n'avait point pris part aux grandes actions de la Révolution et de l'Empire, tous les restes de la vieille aristocratie française, les débris de la Vendée et de Coblentz remplissaient Paris; et tel qui, jusqu'à ce jour, avait été à peine regardé, à cause de l'infériorité de sa position, s’armant de titres nouvellement usurpés, grossissait la foule des courtisans des Tuileries et se plaçait en avant de nos premiers hommes d’État, rejetés dès lors sur le second plan.
Cependant le maréchal Ney, fidèle à son projet de rattacher le roi à l’armée, fit demander dans la Garde impériale des hommes de bonne volonté pour aller au-devant du roi. On en forma plusieurs compagnies, qui se rendirent à Compiègne. Je n’accompagnai pas le maréchal dans cette résidence, où le roi fut reçu avec acclamations. La Cour royale d'Amiens et la plupart des corps constitués du département de l'Oise s’y étaient rendus.
C'était, dit-on, une sensation singulière que celle que l’on éprouvait à voir ce mélange d’uniformes russes et français dans le cortège du roi. Après