Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
1814 — PREMIÈRE RESTAURATION 249
Conformément à une délibération du Sénat, portant que ce projet serait soumis à l'acceptation du peuple, et que Louis-Stanislas-Xavier serait proclamé roi des Français, aussitôt qu'il aurait accepté la constitution et juré de l’observer et de la faire observer, une députation des grands corps de l'État présenta, à Saint-Denis, au roi la nouvelle constitution que Louis XVIII déclara reconnaître.
Le roi coucha à Saint-Ouen, le 3 mai. Mon tour de service m’appelait ce jour-là auprès du maréchal. Le grand couvert fut mis dans une salle du rez-de-chaussée. Le roi s'était fait accompagner depuis Lille par des troupes suisses au service de la France, qu’il avait rencontrées sur son passage. Le colonel du régiment avait continué jusqu’à SaintOuen de commander le service, sous les ordres du maréchal Ney. Nous étions à table, lorsqu'un officier de la Garde vint se plaindre de ce que les Suisses occupaient tous les postes d'honneur, notamment ceux des portes de la salle à manger, tandis que nos braves grenadiers murmuraient de ce qu'ils étaient relégués aux grilles d'entrée et des cours. Le maréchal partagea ce mécontentement : il me donna à haute voix l’ordre de faire partager le service entre les Suisses et la Garde. Je fis exécuter sur-le-champ cet ordre, en plaçant un de nos vieux grognards vis-à-vis un petit fantassin suisse. La Garde ne fut pas moins mécontente de se voir
placée sur la même ligne que d'aussi pitoyables troupes.