Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

1815 — LE PROCÈS DE NEY 319

cela, croit-on que je n’aurais pas préféré périr le sabre à la main? C’est en contradiction de cette capitulation que j'ai été arrêté et sur sa foi que je suis resté en France. »

Mais le sort du maréchal était fixé : il fallait aux Alliés une victime en réparation du mal que leur avait fait la France; et cette victime, offerte en expiation, c'était la plus pure des illustrations de nos armées (1).

Le duc de Wellington, sollicité par la maréchale Ney, avait répondu « que Sa Majesté, le roi de France, n'avait pas ratifié la convention du 3 juillet; que la stipulation, écrite en l’article 12, n’exprimait qu'une renonciation des hautes puissances, pour leur compte, à rechercher qui que ce fût en France, pour raison de sa conduite ou de ses opinions politiques; qu’elles n'avaient donc à

(4) On a prétendu que le maréchal avait reçu une si Mmauvaise éducation qu'il envisageait avec une sorte d'effroi le moment où il paraîtrait devant la Chambre des pairs et où il faudrait absolument proser et parler, deux choses pour le succès desquelles sa timidité, dans tout ce qui n'était pas la guerre, formait un obstacle invincible. On a été jusqu'à dire que ses défenseurs lui avaient composé les quelques mots à effet, qu'il prononça pendant le cours du procès. On ajouta même qu'ils cherchèrent vainement à lui faire apprendre par cœur la phrase par laquelle il leur ordonna de se taire, en disant qu'il en appelait à l'Europe et à la postérité du jugement qui allait le frapper, et qu'on fut forcé de l'écrire, au fond de son chapeau, pour qu'il püt la lire au moment indiqué. Cette fable est absurde. Le maréchal pensait comme il agissait, grandement : il aurait rougi de se prêter à une comédie indigne de lui et, s’il avait eu le sentiment de son insuffisance dans ce moment solennel, il aurait protesté par son silence, plutôt que de tenir un langage d'emprunt. (Note d’'O. Levavasseur.)

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