Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

1815 — NEY, LE « BRAVE DES BRAVES » 321

puisse me glorifier, je me suis toujours considéré comme une dépendance de lui-même, comme une émanation de sa propre volonté, et ce sentiment m'a soutenu.

D'ailleurs, il m'a semblé que, quelle que fût la part obscure qu'il eût prise aux actions de ces époques mémorables, un soldat de la Grande Armée ne devait pas réserver pour lui seul des souvenirs qui ont, peut-être, de l’intérêt pour tous. Qu'on me pardonne donc si j'ai pris aussi imparfaitement la parole, et si j'ajoute quelques réflexions inspirées par la contemplation de la vie et de la mort de mon malheureux général.

La nature avait donné à Ney un corps de fer, une âme de feu; sa taille était athlétique. Il avait la fl)ure large, le nez plat; sa physionomie rappelait les types du Nord; sa voix était retentissante; à son seul commandement, on se sentait du courage. « C'était, a dit Bourmont dans le procès, celui des maréchaux qui possédait le plus la confiance de l’armée! »

Les soldats lui avaient donné deux surnoms : quand ils le voyaient passer dans une revue, c'était le roux à cause de la couleur de sa barbe et de ses cheveux; quand ils racontaient les batailles, ils l’appelaient le brave des braves, à cause de cette valeur calme dont il était le modèle. Oui, c'était bien le brave des braves, car, près de cet homme, au milieu du combat, telle bravoure que l’on eût ou que l’on voulût montrer, il fallait lavouer son

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