Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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maître. Sous la mitraille même, quand la mort planait sur lui, par ses rires et ses mots plaisants il semblait la défier. Au fort de la mêlée, sa supériorité reconnue faisait déférer à ses ordres. Trévise, et Bellune, Tarente et Raguse, Soult et Davout, seuls, ne reconnaissaient pas cet ascendant.

C’est que le génie de Ney ne s’éveillait qu'en face de l’ennemi et à la grande voix du canon. Sans combinaisons arrêtées d'avance, sa tactique c'était le succès. Souvent il était victorieux, mais sans savoir comment il avait fait pour remporter le succès.

Ce n’était que sur les champs de bataille qu'il était beau et qu’il fallait Le voir. Ailleurs, cet homme si grand ne pouvait rendre compte de ses propres inspirations : il aurait su conquérir des royaumes, mais il n’aurait pu les gouverner.

Son éducation avait été exclusivement militaire; elle était incomplète. Cependant, ses ordres étaient parfaitement conçus; il les dictait avec facilité. Le maréchal, suivant l'expression de Clouet, était sujet à recevoir des impressions subites et vives; j'ajouterai que son caractère était emporté. S'il n'avait pas eu avec lui, pendant longtemps, un secrétaire intime (1), qui savait tempérer cette extrême vivacité, il se serait compromis auprès de l'Empereur par ses écrits. Pourquoi faut-il que ce secrétaire, voulant s’assurer une

(4) M. Cassaing, qui devint intendant. (Note d’O. Levavasseur.

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