Trois amies de Chateaubriand

MADAME RÉCAMIER 491

Mais, s’il avait tenu un compte exact de ses prédilections, il n’y aurait pas suffi! Voyons-le donc qui se consacre à son nouvel amour, à Juliette, et qui, pour elle, oublie d’autres visages.

Je l’aime assez, qui tâche d’arranger les choses et qui voudrait organiser l'unité amicale de son existence en considération de Juhette.

Il serait content de se figurer que leur première rencontre fût annonciatrice de l'avenir; annonciatrice douze ans d'avance. Il s y applique.

Après qu'ils se furent aperçus, elle et lui, chez Mme de Staël, ils allèrent, ma foi, chacun de son côté. Ils subirent des tribulations diverses, politiques ou autres. Pour ce qui est du cœur, Juliette fut aimée d’une troupe d’adorateurs; et elle aima l’un d'eux. René aima Pauline de Beaumont, puis d’autres dames qui ne valaient pas celle-ci.

Mais Chateaubriand s’efforce de croire que Juliette et lui se cherchaient. Juliette voyagea en Italie. Chateaubriand se demande si son vague souvenir n'apparaissait pas à Juliette quand elle errait, voyageuse indolente, du Tibre à l'Anio. Et Mme Récamier lui a dit — gentiment — qu’en 1814 elle avait pour guide là-bas la lettre qu'en 1804 Chateaubriand avait adressée à Fontanes. Et elle relevait ce passage : « Quiconque n’a plus de lien dans la vie doit venir demeurer à Rome. Là, il trouvera pour société une terre qui nourrira ses réflexivns et occupera son cœur... » Or, la mélancolie : qu’il y a dans ces belles phrases, René, au commence-

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