Trois amies de Chateaubriand

120 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND

la présence habituelle de Chateaubriand « dans tout l'éclat de sa première gloire » et de Mme Récamier «dans toute la fleur délicate de sa grâce et de sa jeunesse ». Pourquoi Chateaubriand ne le dit-il pas?… Sans doute préféra-t-il isoler, environner de silence et d’oubli la merveilleuse apparition première. Ou bien, faut-il penser qu'en 1802, attentif à la seule Pauline de Beaumont, il ne regarda point les autres femmes qu’il rencontra?.. Cette conjecture, on n'ose point sy arrêter. Toujours est-il que, deux fois en 1801, se rencontrèrent ces deux êtres qui ensuite devaient s'aimer si ardemment et même si longuement : et ils ne se reconnurent pas! Ils passèrent l'un auprès de l'autre. sans rien deviner; ils furent sur le point de s’approcher; et puis ils se séparèrent,. Ainsi vont et viennent les folles destinées. Elles n’ont pas de prescience et leur étourderie gâterait tout, sans les hasards qui veillent.

Chateaubriand songe à cela; et il s’étonne et il s’attriste.. « Quelle puissance ennemie, demandet-ill, coupe et gaspille ainsi nos jours, les prodigue ironiquement à toutes les indifférences appelées attachements?.…. »

Ah! il ne devait pas évoquer en ces termes légers et ingrats l'attachement qu'il eut pour une Pauline de Beaumont! Seulement, il était si frivolel!.… Pour se donner mieux à l'heure présente, il omettait les autres heures. C’est ce qu'on nomme ingratitude.

1. Mémoires d’outre-tombe, l. L.