Trois amies de Chateaubriand

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338 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND

pas eue le moins du monde : le don de objectivité.

Or, quand nous constatons cette limite du génie de Chateaubriand, nous indiquons la significative infirmité de sa nature : il n’a pas su, il n’a jamais su, en nulle circonstance ni pour aucune ambition, comme pour aucun projet littéraire ou galant, il wa pas su sortir de lui-même. Il lui a manqué ce détachement personnel ou cette abnégation. Il a été, en amour comme en lettres, le pathétique prisonnier de lui-même.

Je crois qu’il l’a senti. Je ne sais pas s’il s’est défini nettement le mal dont il souffrait; mais il en a bien souffert. On peut l’accuser d’égoïsme, si l’on est un moraliste en. activité de service. Plutôt, c'était, ‘âme de Chateaubriand, une âme de solitude et de

. chagrin secret, une âme qui jamais ne fut guère expansive et qui, pour le vain plaisir d'essayer de s’absenter un peu d'elle-même, usa de ces deux stratagèmes : l’amour et l’art,

Il y a, en effet, beaucoup d’analogie entre ces deux tentatives spirituelles, l'amour et l’art, si lamoureux réalise en une petite âme complaisante et sensible son désir momentané, son émoi, — et si, pareillement, l’artiste réalise tout cela dans un poème. Oh! je ne dis pas que ce soit là tout le divertissement

. de l'art, ni non plus tout l’'amusement de l'amour! Mais enfin, il y a, dans l'amour et dans Part, notamment cela, qui est un délicat plaisir, la seule promenade peu lointaine permise à l'âme prisonnière d’un

René.