Trois amies de Chateaubriand

TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND 339

Et René fit cette promenade assez souvent. Elle le changeait, si l’on peut ainsi dire.

De cette manière, René aima beaucoup de femmes, comme 1l écrivit beaucoup de livres. Chacun de ses livres réalisa un peu de lui, comme en chacune de ces femmes il admira et adora les sentiments de lui qu’il leur avait prêtés. Ses livres et ses maîtresses furent la seule sortie, peu éloignée, de son esprit qui n'avait nulle aptitude pour le véritable don de sot. Dans ses amours comme dans ses écrits, il se donna l'illusion de la liberté, plus qu’il n’eut cette liberté généreuse. L’illusion, et dont il n’était pas longtemps la dupe. Aussi ses livres sont-ils ardemment mélancoliques et ses amours furent-ils mélancoliques comme ses livres. En ses livres comme en ses amours, il a chanté, avec une puissance magnifique, le désespoir de la captivité spirituelle,

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_ Il a été, en amour, l’infidélité même : il a trompé les femmes qu’il aimait, plusieurs qui avaient des maris, certaines qui avaient des amants et qui, elles non plus, n'étaient pas toutes très fidèles à leurs maris ou à leurs amants. Il disait : « J’aime, dans le chat, ce caractère indépendant et presque ingrat qui le fait ne s'attacher à personne, cette indiftérence avec laquelle il passe des salons à ses gouttières natales ; on le caresse, et il fait le gros dos; maïs c’est un plaisir physique qu’il éprouve et non, comme le