Trois amies de Chateaubriand

PAULINE DE BEAUMONT : 59

aboutissait à une sorte de sérénité heureuse. Son âme a le son du cristal et elle en a la transparence. Imaginons pour elle un cr'stal absolument pur et travaillé, en outre, par un artiste fort habile, STavÉ, guilloché, orné de belles devises en guirlandes.

Joubert aima Pauline de Beaumont. Seulement, subtül artiste de ses sentiments, il fit en sorte que cet amour fleurît en amitié. Mme de Chastenay disait de lui qu'il avait l'air d’une âme qui a rencontré par hasard un corps et qui s’en tire comme elle peutt. Il se persuada que Pauline de Beaumont devait être «une de ces figures d’Herculanum, qui coulent sans bruit dans les airs, à peine enveloppées d’un corps ». Ainsi, ce fut une amitié véritable et qui mettait sa ferveur à l'échange des idées, au contact d’un émoi pareil, à des lectures choisies.

Joubert ne voulait pas que Pauline de Beaumont lût au hasard; il veillait à ce que n’approchassent d’elle que de pures et limpides pensées. Il lui écrivait un jour : « Si Dieu me prêtait vie et mettait devant mes yeux les hasards que je lui demande, il ne me faudrait que trois semaines pour amasser tous les livres que je crois dignes d’être placés, non pas dans

4. Joubert cite lui-même ce propos; et il ajoute : e Je ne puis disconvenir que ce mot ne soit juste. » Pensées, maximes, essais et correspondance de J. Joubert, publiés par Pauz pe RAyNAL (2e éd., 1850), p. 90. — Chateaubriand le répète (Mémoires d’outretombe, t. IV, p. 19). Et on le trouve dans les Mémoires de Mme de Cnasrenay, tome Il, p. 82 : « J’ai dit de M. Joubert qu'en lui tout était âme et que cette âme, qui semblait n’avoir rencontré un-Corps que par hasard, en ressortait de tous côtés et ne s’en arrangeait qu’à peu près. »