Trois amies de Chateaubriand

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votre bibliothèque, mais dans votre alcôve; et, si je parviens à me les procurer, il me semblera que je n'ai plus rien à faire au monde’... » Quel joli détachement de cet ami des livres, qui veut bien mourir et laisser les livres le remplacer auprès de la femme qui est sa constante penséel.…..

Il lui faisait lire Platon, — gardant pour lui Aristote et ses métaphysiques; — il lui conseillait Malebranche, Fénelon, Vauvenargues et Pascal; 1l ne lui permettait, de Voltaire, qu'un petit nombre de volumes. Et il lui exposait la philosophie de, Kant. Pauline de Beaumont lisait volontiers son « cher abbé» de Condillac; et Joubert la grondait à propos de cette doctiine sensualiste, si grossière aux yeux de cet amateur d’âmes.

Pauline de Beaumont fit, de 1794 à la fin du siècle, plusieurs séjours à Villeneuve. Elle y avait, dans la maison de Joubert, sa chambre à elle, la chambre verte. Et puis, elle s’absentaït, s’installait quelque temps à Theïl ou à Paris. Joubert lui écrivait souvent; et, bien qu’un peu nonchalante à cet eftort, elle répondait. Leur correspondance, telle qu’elle a été conservée, ou publiée, se compose de quarante-huit lettres, — délicieuses toutes, et plusieurs admirables. Joubert est cérémonieux et attentif. Sous Îles formules du respect le plus distant, il ne cache pourtant pas son tendre souci. Même, il l'avoue; ou, plutôt, il ne Favoue pas, mais il le laisse voir, avec

4. Lettre du 145 mai 1:98. Dans l'édition P, px Raynaz, 1850, tome Il, p. 270.