Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

100 CHAPITRE TROISIÈME.

nouvelles sans intérêt, déjà connues; et aux plus mauvais moments, c'était aussi ce style qu'on employait pour annoncer sans y paraître ce qu'on jugeait utile à faire Savoir.

Il est difficile d'apprécier aujourd’hui exactement la valeur de ces informations. Les ingrédients chimiques qui les ont révélés un instant aux yeux de d'Antraigues les ont fait disparaitre presque totalement aux nôtres, et n'ont laissé subsister que la prose de convention destinée à les dissimuler. Brotier et ses collaborateurs étaient moins influents, moins perspicaces qu'ils ne voulaient paraître : c'étaient un peu « des hommes de paille qui voient des clochers dans la lune (1) ». Leurs lettres se composaient, ce semble, d'on dit recueillis au hasard où empruntés aux journaux, et de considérations prétentieuses, inopportunes ou simplement banales. D'’Antraigues n'oubliait pas de faire ressortir les passages à sa louange : « Il est bien inconcevable, se laissait-il écrire le 7 pluviôse an Il, que ce mâtin d'Antraigues soit continuellement aux trousses des jacobins en Italie, au point qu'il ne puisse passer aucun courrier dans le pays qu'il ne saisisse au moins de ses papiers; c’est un terrible homme que celui-là, et s’il pouvait gagner un jour la confiance de ces imbéciles de rois, le diable m'emporte qu'il ne fit aller à vau l’eau la république; mais les vues personnelles des puissances, leur monstrueuse coalition, qui n’est qu'une maussade et incohérente démocratie, et leur jalousie les empécheront toujours de suivre les conseils d’un grand homme! »

(1) Marzer nu Pax, Mémoires et correspondance, t. IL, p. 214. (Cf. du même, Correspondance avec la cour de Vienne, t: I, p. 217.)